Archives Mensuelles: février 2011

RESSOURCES DES COLLECTVITES LOCALES SENEGALAISE ET LEUR MOBILISATION AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT LOCAL DURABLE

En raison des pressions de l’économie mondialisée et des nouvelles formes organisationnelles supranationales, L’Etat Nation est dessaisi, par le haut, d’un certain nombre de ses pouvoirs souverains. Latéralement, l’Etat cède une partie de la gouvernance à des partenaires qui ne sont plus ses créatures. Par le bas, il y’a une demande accrue de décentralisation en vue d’une meilleure intégration dans la sphère mondialisée.

Au Sénégal, sous l’action conjuguée des organismes d’aides et de la nécessité et d’une plus grande efficacité des politiques publiques, l’Etat a entamé depuis le début des années 80, un lent et irréversible processus de désengagement au profit des collectivités locales pour l’avènement de sociétés autoréférentielles. D’où l’importance notée aujourd’hui de la décentralisation en tant que facteur de consolidation de la démocratie et de promotion du développement local. L’article 3 du Code des collectivités locales confère à ces dernières une mission de promotion du développement local par la création de dynamiques durables. Une telle mission nécessite une double mobilisation : celle des acteurs autour d’un projet commun, à travers une gestion partenariale mais aussi celle des ressources financières. Tout comme les entreprises, les localités doivent s’adapter, se réinventer et se différencier. Elles doivent moderniser leurs infrastructures. Or, ceci a un coût. Toute la difficulté du développement local consiste à trouver les investissements requis.

Avec le processus de décentralisation, les collectivités locales sont devenues des outils de proximité. Leurs finances, malgré les limites constatées, tendent à se consolider grâce à la dynamique enregistrée aussi bien par les principales impositions qui leurs sont affectées que par les dotations de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Ce qui peut renforcer leurs marges de manœuvres pour contribuer aux efforts d’un développement local durable et harmonieux.

  1. I. LES MECANISMES DE FINANCEMENT LOCAL AU SENEGAL

Pour financer le développement, les collectivités locales sénégalaises fonctionnent avec leurs propres ressources, les ressources financières mises à leur disposition par l’Etat, les partenaires au développement et les emprunts qu’elles peuvent contracter auprès des institutions financières (voir graphique ci-dessous). Ces ressources leur permettent d’accomplir leur mission générale de promotion du développement. En 2002, les financements mis en œuvre, directement ou indirectement, par les collectivités locales sont constitués à 35 % de ressources propres, à près de 20 % de transferts de l’Etat et à 40 % d’aide extérieure.

 

I.1 La mobilisation des ressources propres aux Collectivités Locales (C.L)

Les ressources endogènes des C.L sont composées des recettes fiscales (obtenues par les procédés de l’impôt et de la taxe), non fiscales (produits du domaine et des services) et les ristournes de l’Etat (voir graphique ci-dessus). Elles servent à financer aussi bien les dépenses de la section de fonctionnement que celles de la section d’investissement.

La première composante des ressources propres des C.L est les recettes fiscales. Elles représentent la part la plus importante. En 1999, la fiscalité locale représentait 60 à 70% des recettes propres des collectivités locales. Les recettes fiscales sont constituées par les impôts locaux auxquels s’ajoutent de nombreuses taxes locales (centimes additionnels et les taxes directes et indirectes).

Les impôts locaux sont rangés en trois catégories : les impôts personnels (impôts du minimum fiscal, Taxe Représentative de l’Impôt du Minimum Fiscal, taxe rurale), les impôts fonciers (bâti, non-bâti, surtaxe foncière) et les impôts professionnels (patente, licence). Leur gestion relève de l’Etat aussi bien pour la détermination de leur assiette que (Service des Impôts) pour le recouvrement (services du Trésor).

Les taxes locales sont nombreuses et variées, mais l’essentiel est constitué par la Taxe d’enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM), les Taxes spécifiques sur l’eau, l’électricité, les spectacles ou la publicité.

La seconde composante est les recettes non fiscales. Ce sont des recettes que les collectivités locales maîtrisent et gèrent avec une relative autonomie. Elles comprennent les produits du domaine public communal (produits des permis de stationnement, de location de la voie publique, des droits de place perçus dans les marchés, des droits de voirie, des droits de fourrière municipale), du domaine privé (produits de la location de bâtiments ou terrains communaux, de souks, loges et cantines) et de revenus divers (produits des services communaux, quote-part sur le produit des amendes, etc.)

Enfin, la dernière composante est les ristournes que l’Etat accorde aux communes. Elles sont constituées par leurs quotes-parts sur les produits de la taxe sur la plus-value immobilière (50%) et de la taxe annuelle sur les véhicules ou vignettes (50%). Le critère démographique est utilisé pour la répartition de ces ristournes.

I.2 LES RESSOURCES EXOGENES DES COLLECTIVITES LOCALES

Les ressources externes des collectivités proviennent de l’Etat et des partenaires au développement, comme les bailleurs de fonds extérieurs ou secteur privé, dans le cadre de la coopération décentralisée.

Les concours financiers de l’Etat revêtent trois formes :

–       Le Fonds de Dotation de la Décentralisation (FDD) avec trois composantes : une dotation destinée aux fonctionnement des régions, la compensation au profit des collectivités locales, des charges de transfert de compétences et l’appui financier (8% du Fonds de Dotation) destiné aux services déconcentrés de l’Etat opérant en faveur des collectivités locales. Le Code des Collectivités locales a prévu ce fonds pour permettre aux C.L de prendre en charge les compétences qui leurs sont transférées, le fonctionnement des services de la région et l’appui aux services déconcentrés de l’Etat. Ce fonds reçoit chaque année une dotation équivalente à un pourcentage de la taxe sur la valeur ajoutée perçue au profit de l’Etat. Ce pourcentage est fixé chaque année par la loi de finances compte tenu de l’évolution des transferts de compétences.

–       Le fonds d’équipement des Collectivités Locales (FECL). Crée par la loi des finances de 1997 et alimenté par les recettes générales de l’Etat, il est destiné à assurer à aux collectivités locales des ressources d’investissement.

–       Le Fonds d’Appui à l’éclairage public. Depuis 2002 l’Etat dégage sur son budget un fonds destiné à appuyer les communes dans la prise en charge des factures d’éclairage public en partant du principe suivant : « l’éclairage public participe de la sécurité publique laquelle relève encore de sa compétence ». Ainsi, chaque année 1 500 000 000 francs CFA sont transférés par l’Etat aux Communes. En 2004 ce montant a représenté 54% des dettes des communes vis-à-vis de la SENELEC.

Les ressources provenant des partenaires au développement sont d’un grand apport dans la réalisation des infrastructures de base et les équipements collectifs au niveau local. Sur la décennie 1995-2005, les engagements financiers des 19 projets pour lesquels des informations étaient disponibles (8 urbains et 11 intéressant les communautés rurales) doivent s’élever à environ 195 milliards de francs CFA en chiffres constants de 1995, dont 125 milliards de francs CFA en milieu rural.

I.3 L’EMPRUNT

Les collectivités locales, comme le leur confère la loi, peuvent s’ouvrir aux marchés financiers, nationaux comme internationaux, pour financer leurs investissements. Cette possibilité a été utilisée dans le cadre du Crédit communal logé à la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS).

Mais dans le souci de préserver la dynamique de cette coopération au profit des Collectivités locales et d’assurer une plus grande transparence, les conventions d’un montant supérieur à 100 millions de francs, souscrites par les collectivités locales, sont soumises à approbation préalable du représentant de l’Etat, conformément aux dispositions du Code des Collectivités locales en son article 336 et du décret n° 96-1119 du 27 décembre 1996.

D’autres formes d’emprunt peuvent être soulignées comme  les participations de personnes physiques (particuliers) ou morales (collectivités locales, ONG) à des dépenses d’intérêt général, les dons mais aussi les legs.

  1. II. Limites et incertitudes dans la mobilisation des ressources pour le financement local

Il apparaît, à travers la diversité des sources de financement, l’importance de la décentralisation en tant que facteur de consolidation de la démocratie et de promotion du développement local est bien perçue. En témoigne les textes qui régissent le financement du développement local. Ces textes consacrent notamment :

­   L’autonomie de gestion des Collectivités Territoriales,

­   Dynamisme de la coopération décentralisée, en particulier la coopération Nord-Sud qui permet d’orienter et de canaliser des flux financiers importants et des compétences en direction des collectivités territoriales ;

­   La reconnaissance de plus en plus grande du rôle de la société civile dans le développement local et la mobilisation de ressources pour le développement.

­   L’essor actuel des institutions de micro finance qui sont un atout dans la mobilisation de l’épargne locale et son utilisation pour la promotion des opportunités économiques en milieu rural ;

­   Transfert de fonds au niveau local ;

­   Recettes internes à travers le recouvrement des taxes ;

­   L’existence d’un cadre institutionnel propice pour la collecte des taxes et impôts locaux.

­   Le transfert des compétences et des ressources par :

  • La mise en place et l’existence effective d’organes délibérants pour les orientations de politiques, la détermination des priorités et la prise de décision en matière de développement local,
  • L’institution de taxes rurales, communales.

 

Néanmoins, l’application des trois principes de bonne gouvernance des ressources publiques que sont les principes de ressources (économie, efficience, efficacité, rapidité de décision et d’action), d’organisation et d’éthique connaît des limites qui sont entre autres :

  • Des difficultés de recouvrement des taxes locales,
  • Les difficultés de mobilisation des contreparties nationales,
  • Des retards et des lourdeurs dans le transfert des ressources par le niveau central vers les collectivités décentralisées ;
  • Certains élus jouent leur réélection sur des réalisations visibles à court terme ;
  • l’insuffisance de ressources humaines compétentes au niveau des collectivités locales.
  • Une méconnaissance des textes et des faiblesses dans la gestion transparente des ressources
  • La faible coordination des interventions sur le terrain ainsi que l’empilement des stratégies, cadres, programmes et plans sectoriels qui ne permet pas toujours d’avoir une claire vision des priorités nationales, régionales et locales ;
  • Lourdeur dans la mobilisation effective des fonds d’appui à la décentralisation ;
  • Les difficultés de mobilisation des fonds de contreparties à travers le budget d’Etat et les fonds spéciaux.

 

Cependant, il existe des opportunités pour l’amélioration des possibilités de mobilisation de financements en faveur de la gestion décentralisée et le développement local, ainsi que pour la promotion de solidarités et de synergies :

­   La dynamique de collaboration entre société civile, Collectivités Locale et Partenaires Techniques et Financiers;

­   Les efforts entrepris par le Sénégal pour la mise en œuvre des OMD au niveau local;

­   Les efforts qui sont développés pour promouvoir les opportunités économiques en milieu rural et qui se traduisent par l’émergence d’un secteur privé au niveau local ;

 

Certains phénomènes, non maîtrisés, peuvent annihiler les efforts en cours et empêcher une bonne et judicieuse exploitation des opportunités. Ces phénomènes sont :

  • La mauvaise gouvernance des ressources publiques et des institutions locales,
  • L’empilement des cadres, stratégies, programmes et plans qui témoigne d’une absence de vision propre de développement;

 

III. Vers une décentralisation des Finances ?

La responsabilité des finances est une composante fondamentale de la décentralisation. Pour que les administrations locales puissent exercer de manière efficace les fonctions administratives décentralisées, elles doivent disposer de revenus d’un niveau adéquat – provenant soit de source locale, soit d’un transfert du gouvernement central – de même qu’elles doivent avoir le pouvoir de décision concernant les dépenses. Pour les collectivités territoriales, la décentralisation des finances peut impliquer :

a) autofinancement par recouvrement de coûts en faisant payer les usagers pour les services fournis;

b) cofinancement ou arrangements de coproduction par lesquels les usagers participent à la fourniture des services et de l’infrastructure par des contributions financières ou de main-d’oeuvre;

c) augmentation de recettes locales par les taxes sur les propriétés ou sur les ventes ou encore par les impôts indirects;

d) transferts inter-administrations qui envoient une portion des recettes générales des impôts perçus par le gouvernement central vers les administrations locales pour des besoins généraux ou spécifiques;

La pérennisation des ressources pour la promotion du développement local pour être efficace et durable, doit se fonder sur l’élaboration de principes de financement du développement local comme :

  • Encourager le secteur privé, en faisant preuve de souplesse, à tenir une partition plus active dans le financement du développement et l’investissement au niveau local.
  • Adopter une nouvelle approche de la gestion des actifs publics au niveau local pour en faire un outil de financement.
  • Favoriser l’innovation financière dans les secteurs public et privé au niveau local.
  • Mettre l’accent sur la qualité des projets d’investissement locaux, et non sur l’offre de financements.